La technologie blockchain est aujourd’hui au cœur de nombreuses discussions, tant pour son potentiel disruptif que pour les questions qu’elle soulève en matière de protection des données personnelles. Cet article se propose d’analyser les enjeux liés à la protection des données personnelles dans le contexte de la blockchain et d’explorer les pistes permettant de concilier ces deux impératifs.
La blockchain et les données personnelles : un mariage délicat
La blockchain, souvent présentée comme une révolution technologique, repose sur un réseau décentralisé permettant de stocker et d’échanger des informations de manière sécurisée et transparente. Cette technologie offre ainsi une alternative aux systèmes centralisés classiques, qui sont souvent perçus comme plus vulnérables aux attaques informatiques ou aux défaillances techniques.
Néanmoins, cette décentralisation pose également un certain nombre de problèmes en matière de protection des données personnelles. En effet, les règles applicables en la matière, telles que celles issues du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en Europe, sont fondées sur l’idée selon laquelle il doit exister un responsable du traitement des données, chargé notamment de garantir leur confidentialité et leur sécurité.
Dans le cas d’une blockchain, cette notion de responsable du traitement devient difficile à appréhender. Par ailleurs, l’immuabilité inhérente à cette technologie, qui garantit la fiabilité et la traçabilité des informations stockées, rend complexe la mise en œuvre des droits des personnes concernées par les données personnelles, tels que le droit à l’oubli ou le droit à la rectification.
Les défis posés par la blockchain en matière de protection des données personnelles
Parmi les défis majeurs liés à l’utilisation de la blockchain dans un contexte de traitement de données personnelles, on peut citer :
– L’identification du responsable du traitement : comme mentionné précédemment, la notion de responsable du traitement est centrale dans le cadre de la protection des données personnelles. Or, dans une blockchain, il n’existe pas d’entité centrale qui puisse se voir attribuer ce rôle. La question se pose alors de savoir si chaque participant au réseau doit être considéré comme responsable du traitement ou si cette responsabilité doit être partagée entre les différents acteurs.
– La territorialité : les règles en matière de protection des données personnelles sont généralement fondées sur le principe de territorialité. Ainsi, elles s’appliquent aux traitements réalisés sur le territoire d’un État ou concernant des personnes résidant sur ce territoire. Dans le cas d’une blockchain, dont les nœuds peuvent être répartis dans plusieurs pays voire sur plusieurs continents, il devient difficile d’identifier quelles législations sont applicables.
– L’exercice des droits des personnes concernées : les droits reconnus par le RGPD aux personnes dont les données personnelles sont traitées (droit d’accès, droit à la rectification, droit à l’effacement, etc.) sont fondés sur l’idée que les données peuvent être modifiées ou supprimées. Or, dans une blockchain, les informations stockées sont par nature immuables. Il en résulte un conflit potentiel entre les exigences du RGPD et les caractéristiques techniques de la blockchain.
Les pistes pour concilier protection des données personnelles et blockchain
Face à ces défis, plusieurs pistes peuvent être envisagées pour permettre une utilisation de la blockchain respectueuse des règles en matière de protection des données personnelles :
– Le recours à des blockchains privées ou autorisées : ces types de blockchains, contrairement aux blockchains publiques et ouvertes telles que Bitcoin ou Ethereum, permettent de restreindre l’accès au réseau et d’exercer un contrôle plus étroit sur les participants. Il est ainsi plus aisé d’identifier un responsable du traitement et de mettre en œuvre les obligations en matière de protection des données personnelles.
– L’utilisation de techniques d’anonymisation ou de pseudonymisation : ces techniques consistent à rendre impossible, ou du moins très difficile, l’identification des personnes concernées par les données traitées. En rendant les données anonymes ou pseudonymes dès leur entrée dans la blockchain, on limite les risques liés à leur divulgation et on facilite le respect des règles applicables en matière de protection des données personnelles.
– L’intégration de mécanismes permettant l’exercice des droits des personnes concernées : bien que l’immuabilité des informations stockées dans une blockchain rende difficile l’exercice des droits reconnus par le RGPD, certaines solutions peuvent être envisagées. Par exemple, il est possible d’intégrer dans la blockchain des mécanismes permettant de crypter ou de supprimer les données concernées, tout en conservant la traçabilité des opérations réalisées.
En somme, la technologie blockchain soulève de véritables défis en matière de protection des données personnelles. Pour autant, il existe des solutions permettant de concilier les impératifs liés à cette technologie et le respect des règles applicables. Il appartient donc aux acteurs du secteur de se saisir de ces enjeux et d’adapter leurs pratiques pour garantir une utilisation éthique et responsable de la blockchain.
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