Droits des Consommateurs : Nouveaux Textes et Obligations

La protection des consommateurs connaît une évolution constante dans le paysage juridique français et européen. Face aux nouvelles pratiques commerciales et aux défis numériques, le législateur renforce progressivement l’arsenal juridique protégeant les consommateurs. Les récentes réformes législatives ont considérablement modifié les obligations des professionnels et étendu les droits des particuliers. Ces transformations juridiques touchent tous les secteurs d’activité et imposent aux entreprises une mise en conformité rigoureuse. Cet aperçu des nouveaux textes et obligations en matière de droits des consommateurs permet de comprendre les enjeux actuels et futurs de cette branche du droit en perpétuelle mutation.

La modernisation du cadre juridique de la consommation

Le droit de la consommation français a connu ces dernières années une refonte majeure pour s’adapter aux réalités contemporaines. La directive omnibus du 27 novembre 2019, transposée en droit français par l’ordonnance du 24 septembre 2021, marque un tournant significatif. Cette directive renforce la protection des consommateurs dans l’environnement numérique et harmonise les sanctions en cas d’infractions transfrontalières.

Le Code de la consommation intègre désormais des dispositions spécifiques concernant les places de marché en ligne. Les opérateurs de ces plateformes doivent indiquer clairement si le vendeur est un professionnel ou un particulier, information déterminante pour l’application du régime protecteur. La transparence devient une obligation renforcée, notamment concernant le classement des offres et les avis en ligne.

Les pratiques commerciales trompeuses font l’objet d’une attention particulière. Le législateur a élargi leur définition pour inclure le double niveau de qualité des produits (pratique consistant à commercialiser des produits présentés comme identiques dans plusieurs États membres alors qu’ils présentent des compositions ou caractéristiques différentes). Les sanctions encourues ont été considérablement alourdies, pouvant atteindre jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel.

La loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) du 10 février 2020 a introduit de nouvelles obligations d’information sur la durabilité des produits. L’indice de réparabilité est devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2021 pour certaines catégories de produits électriques et électroniques. Cette mesure vise à lutter contre l’obsolescence programmée et à promouvoir l’économie circulaire.

Les contrats de consommation bénéficient également d’un encadrement renforcé. Les clauses abusives sont plus strictement sanctionnées et le formalisme contractuel s’est accru pour garantir un consentement éclairé du consommateur. Le professionnel doit désormais fournir une information précontractuelle exhaustive sous peine de sanctions administratives et pénales.

Focus sur la protection des données personnelles

La protection du consommateur passe aujourd’hui par la protection de ses données personnelles. Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) et la loi Informatique et Libertés modifiée imposent aux professionnels de strictes obligations en matière de collecte et de traitement des données:

  • Obligation d’information claire et accessible
  • Recueil du consentement explicite
  • Droit d’accès, de rectification et d’effacement
  • Limitation de la durée de conservation des données

Ces dispositions s’articulent avec le droit de la consommation pour former un corpus cohérent de protection du consommateur dans l’économie numérique.

Les nouvelles garanties légales et leur mise en œuvre

L’ordonnance du 29 septembre 2021 a profondément remanié le régime des garanties légales applicables aux contrats de consommation. Transposant les directives européennes 2019/770 et 2019/771, cette réforme renforce significativement les droits des consommateurs face aux défauts de conformité des biens et des contenus numériques.

La garantie légale de conformité voit son champ d’application élargi. Elle s’applique désormais non seulement aux biens meubles corporels, mais également aux biens comportant des éléments numériques, aux contenus numériques et aux services numériques. Cette extension témoigne de l’adaptation du droit à la dématérialisation croissante de la consommation.

La durée de la garantie légale de conformité reste fixée à deux ans pour les biens, mais une innovation majeure concerne les contenus et services numériques. Pour ces derniers, lorsqu’ils sont fournis en continu pendant une période donnée, la garantie s’applique pendant toute la durée du contrat. Cette disposition révolutionne la protection du consommateur dans l’univers numérique.

Le délai de présomption d’antériorité du défaut est désormais porté à 12 mois pour les biens d’occasion (contre 6 mois auparavant) et à 24 mois pour les biens neufs. Cette évolution allège considérablement la charge de la preuve qui pesait sur le consommateur, lequel devait auparavant démontrer que le défaut existait au moment de la délivrance du bien au-delà des six premiers mois.

Une nouvelle obligation pèse sur les professionnels: celle de fournir les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité des biens à éléments numériques pendant la durée attendue d’utilisation. Cette obligation, qui peut s’étendre bien au-delà de la période de garantie légale, constitue une avancée majeure pour la durabilité des produits.

La hiérarchie des remèdes en cas de défaut de conformité a été assouplie. Le consommateur peut désormais choisir entre la réparation et le remplacement du bien, sauf si l’option choisie engendre des coûts disproportionnés pour le professionnel. La résolution du contrat ou la réduction du prix deviennent accessibles sans délai lorsque:

  • Le défaut est si grave qu’il justifie une résolution immédiate
  • Le professionnel a refusé toute mise en conformité
  • La mise en conformité ne peut intervenir dans un délai raisonnable

Les spécificités pour les contenus numériques

Pour les contenus et services numériques, le régime présente certaines particularités. Le professionnel doit notamment veiller à ce que le consommateur soit informé des mises à jour et puisse les installer facilement. Si le consommateur ne procède pas à ces installations, le professionnel n’est pas responsable des défauts de conformité qui en résulteraient directement.

Ces nouvelles garanties s’accompagnent d’un renforcement des sanctions administratives en cas de non-respect par les professionnels. La DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) peut désormais prononcer des amendes administratives pouvant atteindre 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.

L’encadrement des pratiques commerciales à l’ère numérique

L’essor du commerce électronique a conduit le législateur à adapter le cadre juridique pour réguler les pratiques commerciales numériques. La loi du 7 octobre 2021 visant à renforcer la régulation et la protection des consommateurs dans le secteur numérique illustre cette préoccupation.

Les dark patterns ou interfaces trompeuses sont désormais explicitement visés par la réglementation. Ces techniques d’interface utilisateur conçues pour manipuler les choix des consommateurs sont considérées comme des pratiques commerciales déloyales. Par exemple, les sites qui rendent délibérément complexe la procédure de résiliation d’un abonnement ou qui utilisent des couleurs induisant en erreur sont susceptibles de sanctions.

Le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), règlements européens adoptés en 2022, complètent ce dispositif en imposant de nouvelles obligations aux plateformes numériques. Les très grandes plateformes en ligne sont soumises à des obligations renforcées en matière de transparence algorithmique et de modération des contenus.

La publicité ciblée fait l’objet d’un encadrement plus strict. Le consentement préalable de l’utilisateur est requis pour le ciblage publicitaire basé sur ses données personnelles. Les mineurs bénéficient d’une protection renforcée contre ces pratiques, avec l’interdiction du profilage à des fins commerciales pour les moins de 16 ans.

Les influenceurs sur les réseaux sociaux sont désormais soumis à des obligations de transparence accrues. Ils doivent indiquer clairement le caractère commercial de leurs publications promotionnelles sous peine de sanctions pour pratique commerciale trompeuse. La loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les plateformes en ligne a formalisé ces obligations.

La lutte contre les avis frauduleux

Les avis en ligne constituent un élément déterminant dans le processus de décision d’achat. Le décret du 3 mars 2022 relatif aux avis en ligne de consommateurs impose aux professionnels qui collectent ou diffusent des avis:

  • De vérifier l’authenticité des avis publiés
  • D’indiquer clairement la date de l’avis et la date de l’expérience de consommation
  • De préciser les modalités de vérification des avis
  • De mettre en place un système de signalement des avis suspects

Les comparateurs en ligne doivent désormais afficher les critères de classement des offres et signaler les liens capitalistiques éventuels avec les entreprises référencées. Cette transparence vise à garantir une information loyale du consommateur.

L’encadrement des pratiques commerciales numériques s’accompagne d’un renforcement des pouvoirs des autorités de contrôle. La CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) et la DGCCRF disposent désormais de moyens d’enquête élargis et peuvent prononcer des sanctions dissuasives.

Le renforcement des droits spécifiques des consommateurs vulnérables

La protection des consommateurs vulnérables constitue un axe prioritaire des récentes évolutions législatives. Cette notion englobe notamment les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les mineurs, mais aussi les personnes en situation de précarité financière.

La loi du 16 septembre 2022 pour la protection du pouvoir d’achat a introduit plusieurs mesures visant à faciliter la résiliation des contrats conclus par voie électronique. Un simple bouton de résiliation doit désormais être accessible directement depuis l’espace client ou le compte en ligne du consommateur. Cette disposition, qui entrera en vigueur le 1er juin 2023, vise particulièrement à protéger les consommateurs les moins aguerris aux pratiques numériques.

Dans le secteur des télécommunications, les opérateurs doivent proposer des offres spécifiques aux personnes en situation de précarité financière. Ces offres, encadrées par décret, garantissent un accès minimal à internet et aux services de communication électronique à un tarif abordable.

La protection des mineurs face aux contenus numériques inappropriés s’est considérablement renforcée. La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales comporte des dispositions relatives au contrôle parental sur les équipements terminaux. Les fabricants de smartphones, tablettes et ordinateurs doivent préinstaller un dispositif de contrôle parental et informer l’utilisateur de son existence lors de la première mise en service.

Les personnes âgées bénéficient d’une protection accrue contre le démarchage téléphonique abusif. La loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux a renforcé les sanctions et interdit le démarchage dans certains secteurs, notamment celui de la rénovation énergétique.

L’accessibilité des biens et services

La directive européenne 2019/882 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services, transposée en droit français par l’ordonnance du 26 mai 2021, impose aux professionnels de rendre leurs produits et services accessibles aux personnes en situation de handicap. Cette obligation concerne notamment:

  • Les terminaux en libre-service (distributeurs automatiques, bornes d’enregistrement)
  • Les équipements informatiques grand public
  • Les services de commerce électronique
  • Les services bancaires destinés aux consommateurs

Ces dispositions entreront progressivement en vigueur à partir de 2025 et contribueront à renforcer l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société de consommation.

Les contrats d’assurance font également l’objet d’une attention particulière. La loi du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur a supprimé le questionnaire médical pour les prêts immobiliers inférieurs à 200 000 euros et dont le terme intervient avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur. Cette mesure facilite l’accès au crédit des personnes atteintes de maladies chroniques.

Vers une consommation plus responsable et durable

La transition écologique s’invite dans le droit de la consommation avec l’émergence d’un cadre juridique favorisant une consommation durable. Ce mouvement se traduit par de nouvelles obligations pour les professionnels et de nouveaux droits pour les consommateurs.

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a instauré l’obligation pour les fabricants et importateurs d’informer les consommateurs sur les caractéristiques environnementales de leurs produits. L’affichage environnemental, qui sera progressivement déployé, permettra aux consommateurs de comparer les produits selon leur impact écologique.

Le droit à la réparation se concrétise avec l’obligation faite aux fabricants de garantir la disponibilité des pièces détachées pendant une durée minimale. Cette durée varie selon les catégories de produits mais tend à s’allonger. Par exemple, pour l’électroménager, elle est désormais de 10 ans à partir de la date de mise sur le marché. De plus, un délai maximal de livraison de 15 jours ouvrables est imposé pour la fourniture de ces pièces aux réparateurs professionnels.

La lutte contre l’obsolescence programmée se renforce avec l’introduction de sanctions pénales pouvant atteindre deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. La charge de la preuve est allégée pour les associations de consommateurs qui peuvent désormais saisir plus facilement la justice pour faire sanctionner ces pratiques.

La garantie commerciale de durabilité, introduite par l’ordonnance du 29 septembre 2021, constitue une innovation majeure. Lorsqu’un fabricant propose une telle garantie, il s’engage à maintenir les qualités et fonctionnalités du produit pendant toute la durée annoncée. Cette garantie, distincte de la garantie légale de conformité, doit faire l’objet d’une information claire du consommateur.

L’économie circulaire et le droit à l’information

L’économie circulaire est encouragée par plusieurs dispositions législatives récentes. La loi AGEC a notamment instauré:

  • Une obligation d’information sur la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits
  • L’interdiction de détruire les invendus non alimentaires
  • L’obligation pour les places de marché et plateformes de vente à distance d’informer sur les obligations de tri et de reprise des produits usagés

Le droit à la réparation est renforcé par la création d’un fonds de réparation, financé par les éco-organismes, qui permet de réduire le coût des réparations pour le consommateur. Parallèlement, un indice de durabilité viendra compléter l’indice de réparabilité à partir de 2024, offrant ainsi une information plus complète sur la durée de vie attendue des produits.

La vente en vrac est encouragée avec l’objectif de proposer 20% de la surface de vente dédiée à ce mode de distribution dans les commerces de plus de 400 m² d’ici 2030. Les consommateurs peuvent désormais apporter leurs propres contenants, sous réserve qu’ils soient propres et adaptés.

Ces évolutions témoignent d’une prise de conscience collective de la nécessité d’intégrer les enjeux environnementaux dans les pratiques de consommation. Le droit de la consommation devient ainsi un levier pour la transition écologique, en incitant tant les professionnels que les consommateurs à adopter des comportements plus responsables.

Perspectives d’évolution et défis futurs

Le droit de la consommation continue sa mutation pour répondre aux défis contemporains. Plusieurs tendances se dessinent pour les années à venir, annonçant de nouvelles évolutions dans la protection des consommateurs.

L’intelligence artificielle suscite de nombreuses interrogations juridiques. Le récent règlement européen sur l’IA adopté en 2023 établit un cadre pour une utilisation éthique et transparente de ces technologies. Les consommateurs devront être informés lorsqu’ils interagissent avec un système d’IA, notamment dans le cadre du service client ou des recommandations personnalisées. Les systèmes d’IA à haut risque feront l’objet d’une surveillance renforcée.

La réparabilité des produits demeure un enjeu majeur. Le projet de droit à la réparation porté par les institutions européennes vise à garantir aux consommateurs la possibilité de faire réparer leurs produits à un coût raisonnable, même au-delà de la période de garantie légale. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie européenne d’économie circulaire.

La protection des données personnelles continue de s’affirmer comme une dimension fondamentale du droit de la consommation. Le projet de règlement européen ePrivacy, en discussion depuis plusieurs années, viendra compléter le RGPD en encadrant plus spécifiquement les communications électroniques et l’utilisation des cookies. Les consommateurs bénéficieront d’un contrôle accru sur leurs données.

L’économie collaborative pose de nouveaux défis juridiques. Le statut hybride des particuliers qui proposent régulièrement des biens ou services sur des plateformes numériques nécessite une clarification. Une réflexion est en cours au niveau européen pour déterminer à partir de quel seuil d’activité un particulier doit être considéré comme un professionnel et se soumettre aux obligations correspondantes.

Les nouveaux modes de consommation

Les produits connectés et l’Internet des objets (IoT) soulèvent des questions spécifiques en termes de sécurité et de protection de la vie privée. La directive NIS 2 (Network and Information Systems) renforce les obligations de cybersécurité pour les fabricants de produits connectés. Les consommateurs doivent être informés de la durée pendant laquelle ils recevront des mises à jour de sécurité.

La finance durable s’invite dans le droit de la consommation. Le règlement européen sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers impose aux établissements financiers de fournir des informations claires sur les caractéristiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) des produits qu’ils commercialisent. Cette transparence vise à lutter contre le greenwashing et à orienter l’épargne vers des investissements véritablement durables.

La class action à la française, introduite par la loi Hamon de 2014, pourrait connaître une évolution significative. Son champ d’application, actuellement limité, pourrait être étendu pour faciliter l’accès des consommateurs à ce mode de recours collectif. La directive européenne sur les actions représentatives, qui doit être transposée d’ici fin 2023, va dans ce sens en harmonisant les procédures au niveau européen.

  • Renforcement des sanctions pour les infractions transfrontalières
  • Développement des modes alternatifs de règlement des litiges
  • Adaptation du droit aux nouvelles formes de commerce (métavers, NFT, etc.)

Ces évolutions prévisibles témoignent du dynamisme du droit de la consommation, qui doit sans cesse s’adapter aux innovations technologiques et aux nouvelles attentes sociétales. La protection du consommateur reste au cœur de ces transformations, avec une attention croissante portée aux dimensions éthiques, sociales et environnementales de la consommation.