L’intelligence artificielle bouleverse les marchés et soulève des questions inédites en matière de concurrence. Comment le droit s’adapte-t-il face à cette révolution technologique ?
L’IA, source de nouvelles pratiques anticoncurrentielles
L’essor de l’intelligence artificielle engendre de nouveaux risques pour la concurrence. Les algorithmes d’IA permettent aux entreprises d’optimiser leurs prix en temps réel, ce qui peut faciliter des pratiques de collusion tacite. Sans accord explicite, des concurrents peuvent ainsi aligner leurs tarifs via leurs systèmes automatisés. L’Autorité de la concurrence française s’est déjà penchée sur ces enjeux, notamment dans le secteur du e-commerce.
L’IA soulève aussi des inquiétudes en matière de discrimination algorithmique. Des systèmes d’intelligence artificielle pourraient être utilisés pour cibler certains consommateurs ou les exclure de certaines offres, créant ainsi des distorsions de concurrence. Les autorités de régulation devront être vigilantes face à ces nouvelles formes de pratiques anticoncurrentielles plus difficiles à détecter.
Concentration du marché et barrières à l’entrée
Le développement de l’IA favorise une forte concentration du marché autour de quelques acteurs dominants. Les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) investissent massivement dans cette technologie, renforçant leur position. L’accès aux données, nerf de la guerre pour entraîner les algorithmes, constitue une barrière à l’entrée majeure pour de nouveaux entrants.
Face à ce risque de monopolisation, les autorités de la concurrence doivent repenser leurs outils d’analyse. Les critères traditionnels comme les parts de marché ne suffisent plus à appréhender le pouvoir de marché des géants technologiques. De nouveaux indicateurs prenant en compte la valeur des données ou la puissance de calcul devront être développés.
Vers un encadrement spécifique de l’IA en droit de la concurrence
Pour répondre à ces défis, une adaptation du cadre juridique s’impose. Au niveau européen, le Digital Markets Act pose de premières règles pour encadrer les pratiques des grandes plateformes numériques. Mais un dispositif plus spécifique à l’IA sera probablement nécessaire.
Plusieurs pistes sont envisagées : imposer plus de transparence sur les algorithmes utilisés, instaurer des obligations d’audit des systèmes d’IA, ou encore créer un droit d’accès aux données pour les concurrents. Le défi sera de trouver le juste équilibre entre innovation et protection de la concurrence.
L’IA comme outil au service des autorités de concurrence
Paradoxalement, l’intelligence artificielle pourrait aussi devenir un allié des régulateurs dans leur mission. Des outils d’IA permettraient de détecter plus efficacement les pratiques anticoncurrentielles, en analysant de grandes quantités de données de marché. Certaines autorités comme la Commission européenne expérimentent déjà ces technologies.
L’IA pourrait aussi faciliter l’analyse des effets des concentrations sur les marchés. Des modèles prédictifs plus performants aideraient à mieux anticiper l’impact d’une fusion sur la concurrence. Une révolution qui nécessitera une montée en compétence des autorités sur ces sujets technologiques.
L’intelligence artificielle bouleverse les équilibres concurrentiels et impose une refonte du droit de la concurrence. Régulateurs et législateurs devront faire preuve d’agilité pour s’adapter à cette nouvelle donne, tout en préservant l’innovation. Un défi majeur pour les années à venir.