Droit de la Copropriété : Nouveautés Réglementaires à Surveiller

Les évolutions législatives et réglementaires dans le domaine de la copropriété se multiplient à un rythme soutenu. Face à cette dynamique juridique, les syndics, copropriétaires et conseils syndicaux doivent rester vigilants pour adapter leurs pratiques. La loi ELAN, les décrets d’application successifs et les ordonnances récentes ont profondément modifié le paysage juridique de la copropriété en France. Ce tour d’horizon des nouveautés réglementaires met en lumière les changements majeurs intervenus et ceux à venir, leurs implications pratiques et les opportunités qu’ils représentent pour une gestion optimisée des immeubles en copropriété.

La transformation numérique de la copropriété : cadre légal et applications pratiques

La digitalisation des pratiques en copropriété constitue l’un des axes majeurs des réformes récentes. Le décret n°2019-502 du 23 mai 2019 a instauré la possibilité de tenir des assemblées générales à distance, une option qui s’est révélée précieuse durant la crise sanitaire. Cette faculté est désormais pérennisée et encadrée par le décret n°2020-1229 du 7 octobre 2020 qui précise les modalités techniques et juridiques de ces réunions virtuelles.

L’extranet de la copropriété, rendu obligatoire par la loi ALUR, a vu ses fonctionnalités élargies. Les syndics doivent maintenant y intégrer l’ensemble des documents relatifs à la gestion de l’immeuble et aux lots gérés. Le carnet d’information du logement (CIL), introduit par la loi Climat et Résilience, devra progressivement y trouver sa place pour les constructions neuves depuis le 1er janvier 2023, et à compter de 2024 pour certaines rénovations significatives.

La notification électronique des documents, y compris les convocations aux assemblées générales, est désormais encadrée par l’article 42-1 de la loi du 10 juillet 1965. Cette modalité requiert l’accord exprès des copropriétaires, recueilli selon des formalités strictes définies par le décret n°2020-834 du 2 juillet 2020.

Le vote par correspondance réinventé

Le vote par correspondance, auparavant limité, a été considérablement assoupli. Les copropriétaires peuvent maintenant voter avant l’assemblée via un formulaire standardisé, sans nécessité de justifier leur absence. Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté ministériel, doit être joint à la convocation.

Les implications pratiques de cette transformation numérique sont multiples :

  • Réduction des coûts liés à l’impression et à l’envoi de documents
  • Amélioration du taux de participation aux décisions collectives
  • Fluidification des échanges entre le syndic et les copropriétaires
  • Traçabilité accrue des communications et des décisions

Ces évolutions numériques s’accompagnent d’obligations de sécurité informatique renforcées pour les syndics. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) s’applique pleinement aux données personnelles des copropriétaires, avec des exigences particulières concernant leur conservation et leur traitement.

La signature électronique des procès-verbaux d’assemblée générale est désormais validée juridiquement, sous réserve du respect des conditions définies par le règlement eIDAS et le Code civil. Cette innovation facilite grandement la gestion administrative tout en garantissant l’authenticité des documents produits.

Rénovation énergétique des copropriétés : nouvelles obligations et dispositifs d’accompagnement

La transition énergétique constitue un enjeu majeur pour les copropriétés françaises, avec un cadre réglementaire qui se durcit progressivement. La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a introduit plusieurs dispositions contraignantes pour les immeubles en copropriété.

Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) collectif devient obligatoire pour toutes les copropriétés à usage principal d’habitation disposant d’une installation collective de chauffage ou de refroidissement. Ce diagnostic doit être réalisé avant le :

  • 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots
  • 1er janvier 2025 pour les copropriétés entre 50 et 200 lots
  • 1er janvier 2026 pour les copropriétés de moins de 50 lots

Le Plan Pluriannuel de Travaux (PPT) devient obligatoire dans des délais similaires, s’appuyant sur une analyse du bâti et des équipements. Ce plan doit couvrir une période de dix ans et être actualisé tous les dix ans. Son objectif est d’anticiper les travaux nécessaires pour améliorer la performance énergétique de l’immeuble.

La loi Climat et Résilience a instauré un fonds de travaux obligatoire avec un montant minimal de 5% du budget prévisionnel annuel, sauf si le diagnostic technique global (DTG) ne fait apparaître aucun besoin de travaux dans les dix prochaines années.

L’interdiction progressive de location des passoires thermiques

Le calendrier d’interdiction de location des logements énergivores impacte directement les copropriétés :

  • Depuis août 2022 : gel des loyers pour les logements classés F et G
  • À partir de 2023 : interdiction de location des logements consommant plus de 450 kWh/m²/an
  • 2025 : interdiction de location des logements classés G
  • 2028 : extension aux logements classés F
  • 2034 : extension aux logements classés E

Ces échéances créent une pression considérable sur les copropriétés qui doivent engager des rénovations d’ampleur dans des délais contraints.

Pour accompagner cette transition, plusieurs dispositifs financiers ont été renforcés ou créés :

Le dispositif MaPrimeRénov’ Copropriétés a été revu pour faciliter les projets de rénovation globale. Il permet désormais de financer jusqu’à 25% du montant des travaux, dans la limite de 15 000 € par logement, avec des bonus pour les sorties de passoires thermiques et l’atteinte des niveaux BBC (Bâtiment Basse Consommation).

Les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) continuent de représenter une source de financement non négligeable, avec des bonifications pour les opérations réalisées en copropriété.

L’éco-prêt à taux zéro collectif a été simplifié et son plafond relevé à 50 000 € par logement pour les rénovations ambitieuses permettant un gain énergétique d’au moins 35%.

Ces évolutions réglementaires imposent aux syndics de développer de nouvelles compétences en matière d’ingénierie financière et de coordination de projets complexes. La création du statut d’accompagnateur Rénov’ par le décret n°2022-1035 du 22 juillet 2022 vise à faciliter cette transition en offrant un support technique et administratif aux copropriétés engagées dans des projets de rénovation énergétique.

Gouvernance et gestion financière : vers plus de transparence et d’efficacité

Les réformes récentes ont considérablement modifié les règles de gouvernance des copropriétés, avec pour objectif d’améliorer la transparence et de faciliter la prise de décision. L’ordonnance n°2019-1101 du 30 octobre 2019 et son décret d’application n°2020-834 du 2 juillet 2020 ont apporté des changements structurels majeurs.

Le conseil syndical voit ses pouvoirs renforcés. Il peut désormais se voir déléguer des décisions relevant normalement de l’assemblée générale, dans des domaines définis et pour un montant limité à 5% du budget prévisionnel. Cette délégation, votée à la majorité de l’article 25, est valable pour une durée maximale de deux ans.

Les majorités de vote ont été assouplies pour faciliter la prise de décision :

  • La majorité de l’article 24 (majorité simple) s’applique désormais à davantage de décisions, notamment l’autorisation permanente accordée à la police ou à la gendarmerie de pénétrer dans les parties communes
  • La majorité de l’article 25 (majorité absolue) bénéficie d’un mécanisme de passage automatique à la majorité simple en cas de vote favorable représentant au moins un tiers des voix
  • Certaines décisions auparavant soumises à l’unanimité relèvent maintenant de la majorité de l’article 26 (double majorité)

La scission en volumes d’une copropriété est facilitée, pouvant désormais être décidée à la majorité de l’article 24 lorsqu’elle concerne des bâtiments ou équipements indépendants.

Renforcement des obligations comptables et financières

Sur le plan financier, plusieurs innovations visent à sécuriser la gestion des copropriétés :

Le fonds de travaux obligatoire voit son montant minimum relevé à 5% du budget prévisionnel (contre 5% auparavant), avec quelques exceptions limitées. Ce fonds doit être placé sur un compte séparé rémunéré.

La comptabilité des petites copropriétés (moins de 15 lots) bénéficie d’un régime simplifié clarifié par le décret n°2020-834, avec la possibilité de tenir une comptabilité de trésorerie plutôt qu’une comptabilité d’engagement.

Les impayés de charges font l’objet d’un traitement plus rigoureux. Le décret n°2020-834 précise les modalités de mise en œuvre de la procédure d’alerte en cas de non-paiement des charges pendant plus de 12 mois. Le syndic doit désormais saisir le président du tribunal judiciaire après autorisation du conseil syndical, ou à défaut de l’assemblée générale.

La rémunération des syndics est encadrée plus strictement. L’arrêté du 30 juillet 2020 a modifié le contrat type de syndic, avec une distinction plus nette entre les prestations incluses dans le forfait de base et les prestations particulières facturables en sus. Cet arrêté impose notamment l’affichage des tarifs horaires pratiqués par le syndic et ses collaborateurs.

L’assurance responsabilité civile du syndicat des copropriétaires devient obligatoire, couvrant les dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par les parties communes ou les préposés du syndicat.

Ces évolutions témoignent d’une volonté du législateur de professionnaliser davantage la gestion des copropriétés, tout en renforçant les mécanismes de contrôle à disposition des copropriétaires. Elles nécessitent une adaptation des pratiques des syndics et une vigilance accrue des conseils syndicaux, notamment sur les aspects financiers.

Gestion des parties communes et adaptation aux nouveaux usages

Les parties communes des copropriétés connaissent des évolutions majeures dans leur régime juridique, reflétant les transformations des modes de vie et les enjeux contemporains. Plusieurs modifications législatives récentes facilitent l’adaptation des immeubles aux nouveaux besoins des résidents.

L’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques bénéficie d’un cadre juridique clarifié. Le droit à la prise, instauré par la loi de 2014, a été renforcé par la loi d’orientation des mobilités de 2019 et le décret n°2020-1720 du 24 décembre 2020. Un copropriétaire souhaitant installer une borne doit simplement informer le syndic par lettre recommandée avec accusé de réception. L’assemblée générale ne peut s’y opposer que pour des motifs sérieux et légitimes.

Pour les installations collectives, la décision d’équiper les emplacements de stationnement d’infrastructures de recharge peut désormais être prise à la majorité simple de l’article 24, facilitant considérablement le déploiement de ces équipements.

La fibre optique bénéficie d’un régime similaire. L’article 24-2 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que le syndicat des copropriétaires ne peut s’opposer, sans motif sérieux et légitime, à l’installation de la fibre optique dans l’immeuble. La convention d’installation est examinée en assemblée générale et votée à la majorité de l’article 24.

Nouveaux usages des espaces communs

Les locaux à vélos deviennent une préoccupation centrale. La loi d’orientation des mobilités et la loi Climat et Résilience ont renforcé les obligations en la matière. Pour les immeubles équipés de places de stationnement, la création d’infrastructures pour les vélos peut être décidée à la majorité de l’article 24. Le décret n°2022-930 du 25 juin 2022 définit les caractéristiques minimales que doivent respecter ces installations.

La question des locations touristiques de courte durée a fait l’objet d’un encadrement plus strict. L’assemblée générale peut désormais, à la majorité de l’article 24, décider de soumettre à autorisation préalable du conseil syndical toute demande de changement d’usage d’un lot à des fins de location de courte durée. Cette mesure vise à limiter les nuisances générées par ces activités dans certains immeubles.

L’installation de systèmes de vidéosurveillance dans les parties communes est facilitée, pouvant être décidée à la majorité de l’article 24. Toutefois, ces installations doivent respecter les exigences de la CNIL et du RGPD, notamment en matière d’information des résidents et de conservation limitée des images.

La végétalisation des copropriétés est encouragée par plusieurs dispositifs. La création de jardins partagés ou l’installation de bacs de compostage collectifs peut être décidée à la majorité simple. Ces aménagements s’inscrivent dans une démarche plus large de lutte contre les îlots de chaleur urbains et de promotion de la biodiversité en ville.

Ces évolutions législatives témoignent d’une volonté d’adapter le régime de la copropriété aux enjeux contemporains : mobilité durable, connectivité, sécurité et préoccupations environnementales. Elles offrent aux copropriétés des opportunités de modernisation tout en simplifiant les processus décisionnels.

Les syndics et conseils syndicaux doivent intégrer ces nouvelles possibilités dans leur réflexion sur l’évolution de leur patrimoine, en anticipant les besoins futurs des résidents et en valorisant les parties communes comme des espaces à fort potentiel d’usage.

Perspectives d’évolution et enjeux futurs du droit de la copropriété

Le droit de la copropriété, en constante mutation, s’oriente vers plusieurs axes de développement qui méritent une attention particulière. Ces tendances émergentes dessinent les contours d’un cadre juridique en pleine transformation, répondant aux défis sociétaux et environnementaux contemporains.

La réforme du statut de la copropriété pourrait connaître de nouvelles évolutions. Plusieurs rapports, dont celui de la Commission Nogal, ont proposé des pistes de simplification du régime juridique des petites copropriétés. Un statut spécifique pourrait émerger pour les copropriétés de moins de 10 lots, avec des règles de fonctionnement allégées et adaptées à leur taille.

La copropriété digitale continuera de se développer, avec l’émergence probable d’un cadre réglementaire plus précis concernant l’utilisation des technologies blockchain pour la tenue des registres de copropriété et le vote électronique. La loi ESSOC II prévoit déjà des expérimentations en ce sens.

L’adaptation au changement climatique s’imposera comme une préoccupation majeure. Au-delà de la rénovation énergétique, les copropriétés devront intégrer des mesures d’adaptation aux risques climatiques accrus : inondations, canicules, tempêtes. De nouvelles obligations pourraient apparaître concernant la résilience des bâtiments.

Vers une approche plus collective de la propriété

Les services partagés en copropriété connaîtront probablement un essor significatif. Le développement de l’économie collaborative pourrait se traduire par un cadre juridique plus favorable aux initiatives de mutualisation : espaces de coworking dans les parties communes, autopartage, services à la personne mutualisés.

Cette tendance s’inscrit dans une réflexion plus large sur les communs, concept juridique en renaissance qui pourrait influencer l’évolution du droit de la copropriété. Certains espaces ou services pourraient être gérés selon des modèles alternatifs à la simple propriété indivise forcée.

La loi 3DS (Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Simplification) du 21 février 2022 a introduit plusieurs dispositions qui auront des implications pour les copropriétés, notamment concernant les relations avec les collectivités territoriales. Les expérimentations locales en matière d’urbanisme pourraient permettre l’émergence de solutions innovantes adaptées aux spécificités territoriales.

L’intelligence artificielle commence à transformer la gestion des copropriétés, avec des applications dans la maintenance prédictive des équipements, l’optimisation énergétique ou la détection des anomalies comptables. Un encadrement juridique de ces outils sera nécessaire pour garantir la transparence des algorithmes et la protection des données personnelles des copropriétaires.

  • Développement probable d’un droit à la portabilité des données de la copropriété
  • Encadrement des systèmes d’aide à la décision basés sur l’IA
  • Standardisation des formats d’échange entre plateformes de gestion

La judiciarisation des rapports en copropriété pourrait connaître une inflexion avec le développement des modes alternatifs de résolution des conflits. La médiation en copropriété, déjà encouragée par plusieurs textes, pourrait devenir un préalable obligatoire avant toute action judiciaire, sur le modèle de ce qui existe dans d’autres domaines du droit.

Ces perspectives d’évolution imposent une veille juridique constante de la part des professionnels du secteur. Les syndics, conseils syndicaux et copropriétaires devront développer une approche proactive face à ces transformations, en anticipant les adaptations nécessaires plutôt qu’en les subissant.

L’enjeu majeur pour les années à venir sera de concilier la préservation des droits individuels des copropriétaires avec les impératifs collectifs de transition écologique et d’adaptation aux nouveaux modes de vie. Cette tension productive entre individuel et collectif continuera de façonner l’évolution du droit de la copropriété.